Dans les deux publications précédentes nous avons présenté la “ Forge de Peyrassoulat ”, à Chéronnac, dans le contexte de la métallurgie ancienne du Périgord-Limousin-Angoumois, ainsi que dans celui de la cartographie régionale.
Ce troisième volet de notre publication à pour intention d'approcher plus en détail la vie de ce site exceptionnel du Parc Naturel Régional Périgord-Limousin, en approchant la découverte et la lecture des Annales et Inventaires historiques !
Les premiers actes connus faisant référence à Peyrassoulat remontent au milieu du 18e siècle.
L’inventaire constitutif du document intitulé « État par paroisse de la Vicomté de Rochechouart », a été établi en 1785, il mentionnait pour la paroisse de Chéronnac : « Forges à fer, deux, dans lesquelles un seul forgeron suffit ; moulins à grains, quatre ».
Ceci est confirmé par un document conservé dans les archives de la Préfecture d’Angoulême, en Charente, dans lequel une forge à fer est attestée en 1785 au lieu dit Persoulas, situé à cette époque dans la Paroisse de Chéronnac, l’Élection de Confolens et la Généralité de Poitiers.
Un inventaire de 1789 indique que la Forge de Peyrassoulat, établie « de temps immémorial », est une forge à un feu, installée sur la rive de la Tardoire.
La production de la Forge de Peyrassoulat était au début de la Période Révolutionnaire de « 55 Milliers* de Fer » (26,92 T), avec « 785 Cordes de bois* » (2.842 Stères). Le propriétaire de la Forge de Peyrassoulat était Nicolas LÉONARD, il employait trois ouvriers. Le maître de forge était Nicolas LÉONARD-BELAIR, celui-ci décédera en 1837 à l’âge de 80 ans.
La plupart des forges du Périgord-Limousin-Angoumois étaient caractérisées par deux installations, complémentaires l'une de l'autre :
D’une part « le Foyer » *, dans lequel les « gueuses de fontes » * étaient chauffées en utilisant du charbon de bois comme combustible puis portées à la température nécessaire pour le travail du métal par l’action des « soufflets » * ;
D’autre part la « Martellerie » *, où les fontes, encore chargées d’impuretés, étaient retravaillées, c’est à dire battues sur une enclume par l’action du volumineux marteau du « martinet de forge » *.
Ce dernier était actionné par des engrenages et bras de levage permettant de transmettre la force motrice du proche moulin à eau, situé sur un bief aménagé dans le lit de la Tardoire.
Ce dernier était actionné par des engrenages et bras de levage permettant de transmettre la force motrice du proche moulin à eau, situé sur un bief aménagé dans le lit de la Tardoire.
MARTINET de forge (appelé aussi marteau-pilon) des 18e siècle et 19e siècle
Tout comme les autres forges de la
région, la Forge de Peyrassoulat a
fourni, dans la seconde moitié du 18e siècle, des fontes et du fer à
la Fonderie de Canons pour la Marine de
guerre, créée en 1750-1751, à Ruelle-sur-Touvre
dans la Province d’Angoumois, par le Marquis René, Marc, de MONTALEMBERT
(1714 - 1800).
M. Marc-René de MONTALEMBERT,
né à Angoulême le 16 juillet 1714 et
décédé à Paris le 28 mars 1800 ; Seigneur de Maumont, Juignac,
Saint-Amant, Montmoreau, la Vigerie et Forgeneuve, Marquis, Lieutenant-général
du Roi de France Louis XV en Saintonge et Angoumois, Conseiller et expert
militaire ; il est devenu Général pendant la période de la Révolution française ; Homme de lettres et Ingénieur civil et militaire, spécialisé dans les
fortifications défensives, Maître de forge ; Il est l'initiateur de la création de la
Forge et Fonderie à canons pour la marine du Roi, à Ruelle, en Angoumois, en
1753, devenu « Fonderie royale de la Marine » en 1782.
De manière générale, les produits
finis de la Forge de Peyrassoulat
étaient, à la fin du 18e siècle et au cours du 19e siècle, principalement expédiés vers la ville d’Angoulême et le département de la Charente, mais certains produits, tel les clous, étaient vendus
localement.
Bien qu’il soit difficile de
retrouver des personnes en relation directe avec le travail de la Forge de Peyrassoulat, l’étude des Actes
de l’État Civil de la Période Révolutionnaire apporte quelque renseignements
sur la vie de la forge et sur celle des habitants du village voisin.
En août 1793, le citoyen Jean
BARUSSAUD, Maître forgeron à la Forge de Peyrassoulat, était mentionné
dans le registre de l’État Civil de la commune de Chéronnac, il demeurait alors
avec son épouse Françoise LACOMBE au village de Peyrassoulat, lors de la
naissance de leur fille, malheureusement décédée en bas-âge quelques mois plus
tard.
Le Primidi 11 Pluviôse, 14e
Décade, An VI de la République Française
(correspondant au Mardi 30 janvier 1798, du Calendrier grégorien), Jean
CHEIROU, Cloutier, est mentionné
comme demeurant avec son épouse Marie TIPHONET au village de Peyrassoulat, lors de la déclaration de
naissance de leur fille.
Le Tridi 23 Pluviôse, 15e
Décade, de ce même An VI de la République
Française (ou Dimanche 11 février 1798), Guilhem DAUTRIAT, Cloutier, demeurant avec son épouse
Marguerite VIAUD dans le village de Peyrassoulat,
est mentionné lors de la déclaration de naissance de leur fille Catherine, née
le jour précédent.
Ces renseignements trouvés dans les
registres de la commune de Chéronnac, datant de la Première République, et du Régime
du Directoire (1795 – 1799), montrent non seulement que l’atelier de la Forge de Peyrassoulat était dirigé par un Maître forgeron, mais aussi que cette forge fournissait du travail
à au moins deux cloutiers !
CLOUTIER et CLOUTERIE d’après l’ENCYCLOPÉDIE
de MM Denis Diderot
(1713-1784) & Jean le Rond d'Alembert (1717- 1783)
Selon la « Statistique générale et particulière de la France et de ses colonies »,
éditée en 1804 chez F. Buisson Ainé,
Imprimeur-Libraire à Paris, il y avait deux forges à « Perra-Soula » de Chéronnac.
L’affirmation de la présence de deux
forges à Peyrassoulat est confirmée
dans un chapitre de la « Géographie
statistique, hydraulique, minéralogique, historique, politique, commerciale et
industrielle, de toutes les parties du monde. Tome 2 ; Contenant l'histoire des
anciennes provinces de France et des pays conquis et réunis depuis 1722 »,
publié en 1806.
« L’inventaire des Forges, Fourneaux et
Fonderies de la Haute-Vienne » de 1806 indique l’existence de deux
forges dans la commune de Chéronnac,
situées ensemble à Perra-Soula.
La
publication de la Géographie statistique
s’inscrit dans le contexte de l'Exposition
des produits de l'Industrie nationale, ouverte le 26 septembre 1806, Place
des Invalides à Paris, à laquelle participait plus de 1422 exposants.
Un « État fait en 1808 », décrit la Forge de Peyrassoulat, comme étant dirigée par Messieurs Nicolas
LÉONARD et Louis LÉONARD ; Cette forge disposait de deux affineries et
d’un marteau-pilon.
Messieurs Nicolas LÉONARD et Louis LÉONARD dirigeaient aussi en 1808 la Forge du Buisson, située sur la commune de Chéronnac.
Messieurs Nicolas LÉONARD et Louis LÉONARD dirigeaient aussi en 1808 la Forge du Buisson, située sur la commune de Chéronnac.
Les données statistiques réunies
depuis le milieu du 18e siècle et publiées en 1804, 1806 et 1808,
sous le Premier Empire français, permettent
de constater que les forges de Peyrassoulat,
du Buisson et de Raux produisaient ensemble annuellement, environ 190 Tonnes de fer
par an et qu’elles employaient ensemble 15 ouvriers, auxquels il fallait
rajouter les maîtres de forge.
La fonte, retravaillée à Peyrassoula, le Buisson et et Raux, provenait principalement des
haut-fourneaux de la Forge d’Étouard * et de ceux de la Forge de Jomelières *, en Dordogne.
Reconstitution d’une coulée de fonte à la Forge
d’Étouard, située dans le département de la Dordogne, en région
Nouvelle-Aquitaine et dans le Parc Naturel Régional Périgord-Limousin ; La Forge d’Étouard était éloignée de vingt quatre
kilomètres de celle de Peyrassoulat.
D’après la « Statistique générale de la France, publiée par ordre de sa Majesté l’Empereur et Roi, sur les mémoires adressés au Ministre de l’Intérieur par M.M. les Préfets ; Département de la Haute-Vienne, M. L. Texier-Olivier, Préfet ; Imprimé à Paris, chez Testu Imprimeur de sa Majesté ; MDCCCVIII (1808) », les forges de la commune de Chéronnac, situées sur la Tardoire, Peyrassoulat, le Buisson et Raux, appartenaient respectivement à MM. Nicolas et Louis LÉONARD pour les deux premières et à M. PLANTIER pour la troisième.
Les forges sont ainsi
décrites dans la statistique de 1808 :
« En descendant le cours de la Tardoire, on
trouve trois autres forges, dont deux sont situées dans la commune de
Chéronnat, et la troisième dans celle des Salles-de-la-Vauguyon. Les deux
premières, connues sous le nom du Buisson et de Peyre-Soulat, sont possédées
par MM. Nicolas et Louis LÉONARD ; elles ont composées chacune de deux
affineries* et d’un marteau* ; La troisième, appelée de Raux, n’a qu’une
affinerie, elle appartient à M. PLANTIER. Le produit de ces trois forges, qui
consiste en 19.000 myriagrammes* de fer de toute espèce et de toute dimension,
est presque tout expédié pour les départements de la Charente et de la
Charente-Inférieure. Quinze ouvriers sont employés à la fabrication de ce
fer, pour laquelle on consomme 31.600 myriagrammes de fonte et 28.500
myriagrammes de charbon.
On tire la fonte des fourneaux d’Étouard et de
Jomelières. On la paie 1f 82c le myriagramme, conduite aux forges. Le
myriagramme de fer coûte 15 centimes de voiture pour Angoulême, qui est la
principale ville d’expédition. »
Dans les « Annales des arts et manufactures – Sur le Commerce, l’Industrie et
l’Agriculture du département de la Haute-Vienne », Tome XXXI, N° 91 – 92 – 93 ; Annales des arts et manufactures, éditée
en 1809, les auteurs remarquent :
« Il n’existe point de grandes usines à fer
dans les arrondissements de Limoges et de Bellac ; elle sont toutes
placées dans la partie méridionale du département, sur les cours du Bandiat et
de la Tardoire. Les motifs qui ont déterminés le placement de ces usines
sont la proximité des minières, l’abondance des combustibles et l’heureuse
position des eaux. »
Le rapporteur des « Annales des arts et manufactures »
de 1809 continuait en ces termes : « Le département de la Haute-Vienne possède actuellement vingt-sept
forges et quatre fourneaux. Seize de ces forges sont situées dans
l’arrondissement de Rochechouart, et onze dans celui de Saint-Yrieix ».
Les « Annales des arts et manufactures » de 1809 donnent aussi quelques
détails sur les établissements de la vallée de la Tardoire :
« En descendant le cours de la Tardoire, on
trouve trois autres forges, dont deux sont situées dans la commune de
Chéronnat, et la troisième dans celle des Salles-de-la-Vauguyon. Les deux premières, connues sous le nom du
Buisson et de Peyre-Soulat, sont possédées par MM. Nicolas et Louis LÉONARD.
Elles sont composées chacune de deux affineries et d’un marteau ; la
troisième forge, appelée de Raux, n’a qu’une affinerie, elle appartient à M.
Plantier. Le produit de ces trois forges consiste en dix-neuf milles
myriagrammes de fer de toute espèce et de toute dimension. »
L’analyse des différents rapports et
statistiques publiés dans les annales donne à penser que 27 forges étaient en
activité en Haute-Vienne pour seulement 4 hauts-fourneaux.
Selon le « Dictionnaire universel-portatif du commerce », mis en ordre
par M. Léopold et éditée chez Pillet Ainé, Imprimeur-Libraire à Paris,
il y avait en 1820 deux forges à « Perra-Soula »,
dans la commune de Chéronnac, en Haute-Vienne.
« L’Almanach
du commerce de la ville de Limoges, et du département de la Haute-Vienne » publié par P. Ardillier, éditeur à Limoges, en 1830, mentionne deux personnes en
relation avec des forges dans le Canton de Rochechouart : Louis
LÉONARD-DUBUISSON, maître de forge à Chéronnac et Jean LÉONARD-BELAIR,
également maître de forge à Chéronnac.
La forge, dénommée « usine à fer et à dérivés, dite de Peyrassoulas, à Chéronnac », fut maintenue en activité, entre 1835 et 1850, par M. Jean-Baptiste LÉONARD-BELAIR, puis par M. BARRET-BOISBERTRAND ; ce dernier était maître de forge en 1835.
L’Almanach du commerce de Paris,
dans son édition de 1837, mentionne dans la commune de Chéronnac la Forge dePeyrassoulat, équipée de deux affineries et d’un martinet ; elle était la propriété de M. Nicolas LÉONARD.
Avant la Révolution française et au
début du 19e siècle, la famille LÉONARD résidait au village de Chez Bélair, de la paroisse de Chéronnac.
Le village de Chez Bélair présente encore, au début du 21e siècle, les
caractéristiques d’un ensemble rural limousin traditionnel, avec comme
construction principale la maison de maître du 19e siècle dans son
parc, des logis, une chaumière, des granges-étables, des puits, des « clédiers » *, fournils et
poulaillers, disposés de part et d’autre de l’ancien « Grand Chemin de Limoges à Angoulême ».
Selon l’historien André Lecler, la famille LÉONARD portait
blason. Celui-ci était : « D’or à la plante de nard * de sinople,
fleurie au sommet d’une rose de gueules *, accostée de deux lions affrontés de
même, et accompagnée en chef * d’un croissant d’argent ».
En 1837-1838, le maître de forge de Peyrassoulat était M. Jean
LÉONARD-BELAIR, qui est décédé en 1838 à l’âge de 56 ans.
Dans « L’Annuaire général du commerce, de l'industrie, de la magistrature et
de l'administration », publié par la Société des annuaires (Paris) et Firmin-Didot frères Éditeurs à Paris, en
1838, il est fait état à la rubrique « Commerce,
Industrie » pour la commune de Chéronnac de
deux Maîtres de forges : Louis LÉONARD, dirigeant deux affineries et cinq
martinets, au Buisson, et
Nicolas LÉONARD, menant deux affineries et un martinet, à Peyre-Soulat.
Les publications des « Rapports et délibérations du Conseil général
de la Haute-Vienne » pour les années 1841, 1842, 1843, 1844 et 1845,
mentionnent Pierre BOUTINAUD-GRANDPRÉ comme maître de forge à Chéronnac.
Un rapport de l’ingénieur en chef
des mines, daté du 26 août 1844, fait état d’une production de fer de 55
Milliers* et d’une utilisation de 785 Cordes
de bois, comme combustible. Le prix du bois était de 7 frs 50 la Corde. La main-d’œuvre était constituée par
trois ouvriers, qui recevaient un salaire de 1 frs 25 le Quintal métrique.
La « 3e Série des Annales des Mines », publiée par la
Commission des Annales des Mines, sous l’autorisation du Sous-Secrétaire d’État
des Travaux Public, à Paris, chez Carilian-Goeury et Vor Dalmont,
Éditeurs-Libraires, mentionne que : « Le
Décret du 19 décembre 1849, autorise les Sieur et Dame BARRET-BOISBERTRAND à
maintenir en activité l’usine à Fer et à Acier de Peyrassoulas (Haute-Vienne) ».
Un rapport de 1850 indique que l’activité
de l’usine à fer dite « Peyrassoulas
» à Chéronnac fut maintenue par
Jean-Baptiste-Léonard BELAIR puis par BARRET-BOIBERTRAND entre 1835 et 1850.
Les Maîtres de Forges de
Peyrassoulat employaient aussi d’autre personnel pour la gestion ou l’entretien
de leurs maisons. Ainsi, en 1855, le Registre des décès de la commune de Chéronnac mentionnait que M. Martial
LADRAT, domestique, âgé de 54 ans, époux de Marie CHESSON, était décédé le 7
juin aux Forges de Peyrassoulat.
Entre 1838 et 1860, plusieurs
maîtres de forge de la même famille se sont succédés à la tête de la Forge de Peyrassoulat :
M. Jean Baptiste
BLANCHON-LASSERVE, né le 19 Thermidor An V (6 août 1797), dans le village de Ribiéras, commune d’Étouars, Dordogne, et
décédé le 26 octobre 1860, à La Chapelle
Saint-Robert, Dordogne, à l’âge
de 63 ans.
M. Jean Baptiste BLANCHON-LASSERVE
était associé avec son épouse Mme Adèle LÉONARD-BELAIR, née le 1er juillet 1804
à Chéronnac, Haute-Vienne et décédée le 29 septembre 1870, à La Chapelle Saint-Robert, Dordogne, à l’âge de 66 ans. Leur
mariage avait été célébré le 8 septembre 1823 à Chéronnac.
Leur fille Mme Catherine
Louise BLANCHON-LASSERVE, née le 12 septembre 1824 à Saint
Mathieu, Haute-Vienne, et décédée 25 août 1892 à Angoulême, Charente, à l’âge de 68 ans, maintiendra la Forge en activité entre
1841 et 1860, avec l’appui de son époux M. Jean Adolphe BARRET-BOISBERTRAND, né
le 9 janvier 1819 à Limoges et décédé
le 27 mai 1899 à Angoulême, Charente, à l’âge de 80 ans. Leur mariage avait été célébré à Javerlhac et la Chapelle Saint-Robert, Dordogne, le 22 novembre 1841.
Entre 1860 et 1866, c’est
Mme Adèle BLANCHON-LASSERVE, née LÉONARD-BELAIR, qui sera en charge de
l’exploitation, probablement avec son gendre M. Jean Adolphe BARRET-BOISBERTRAND.
Le
fils de Catherine Louise
BLANCHON-LASSERVE et Jean Adolphe BARRET-BOISBERTRAND, M. Georges Nicolas
BARRET-BOISBERTRAND, né à Javerlhac,
en Dordogne, le 30 avril 1845, ne
suivra pas son père à la tête de la forge, il deviendra Fabricant de porcelaine
à Limoges, où il sera enregistré
comme porcelainier en 1892. En juin 1884, il
avait épousé Mlle Marie Euphémie PENNE, originaire d’Aigre, en Charente. La
première épouse de Georges Nicolas BARRET-BOISBERTRAND est décédée le 14 mai
1896 à Limoges ; Il se remariera
le 10 octobre 1900, dans cette ville, avec Marie Alfrédine RATAUD.
Un mémoire établit par le chef d’escadron LACOUR répertoriant les forges de la Tardoire et du Bandiat, en 1862, mentionnait la Forge de Peyrassoulat comme étant encore en activité.
Dans « L’Annuaire-almanach du commerce, de l'industrie, de la magistrature et
de l'administration : ou almanach des 500.000 adresses de Paris, des
départements et des pays étrangers », édité par Firmin-Didot frères (Paris), en 1863, il est fait mention pour la
commune de Chéronnac, « située à
10 km de Rochechouart », de plusieurs forges.
En 1863, Monsieur BLANCHON-LASERVE
était nommé comme maître de forge à « Peyra-Soulat »,
où se trouvaient deux affineries et un martinet.
L’importante propriété de M. Jean
Adolphe BARRET-BOISBERTRAND, propriétaire de la Forge de Peyrassoulat, était aussi mentionnée dans
l’annuaire-almanach du commerce de 1863.
L’année 1863 marqua très
certainement l’apogée de l’activité métallurgique sur le site de Peyrassoulat,
qui commença rapidement à péricliter dans les années suivantes.
Le journal « Le Courrier du Centre » a mentionné
Monsieur Marc DUPLANTIER, comme Maître de forges à Chéronnac, dans sa publication du 6 février 1863. Ce même journal
mentionnera dans son édition, daté du 26 juillet 1868, Monsieur Marc
DUPLANTIER, comme Propriétaire et Maître de forges à Chéronnac, sans qu’il soit possible de lier son activité la Forge de Peyrassoulat. Dans les deux publications, Monsieur Marc DUPLANTIER
figurait sur la liste des jurés appelés à siéger aux assises, qui devaient
s’ouvrir à Limoges.
Cette fermeture de la Forge de Peyrassoulat est contemporaine
de la décadence générale des forges d’Aquitaine chauffées au charbon de bois,
consécutive à l’application du traité de libre échange franco-anglais, dit « Traité Cobden-Chevalier », de 1860.
L’arrêt d’activité de nombreuses
forges est confirmé par une lettre de 1868, envoyée par Monsieur A. PICAUD,
président du Comité des maîtres de forges de la région du Sud-ouest, aux
rédacteurs des journaux de Périgueux :
« Le régime économique de 1860 a écrasé
l’industrie métallurgique, celle de notre zone aussi bien que celle des autres
circonscriptions. Une demi-activité règne encore au prix d’énormes sacrifices
dans quelques rares établissements de notre région, en attendant que, comme le
plus grand nombre, tous succombent à la suite d’une lutte devenue désespérer.
Dans cette désolante perspective, les maîtres de forges ont cru devoir, sur
l’initiative de l’un deux, M. Prévost, des Fénières, et à l’exemple de leurs
confrères des autres circonscriptions, se constituer en comité pour la défense
commune de leurs intérêts. »
Monsieur PICAUD joignait à sa lettre
le compte-rendu des délibérations de la première assemblée du comité des
maîtres de forges de la Région du Sud-ouest, dans lequel il était
précisé : « Sous l’impulsion
pénible de la ruine imminente de l’industrie du fer dans la circonscription du
Sud-ouest, le comité, cédant à la double nécessité d’en indiquer les causes et
de pourvoir aux moyens de les écarter, est unanimement d’avis d’interpeller
l’attention du Chef de l‘État :
1° Sur la déplorable situation qu’a
faite à cette industrie l’introduction des fers étrangers ;
2° Sur l’aggravation qui résulte des
réductions effectives des droits protecteurs (fixés à 60 frs par tonne pour les
fers), par les tolérances injustifiables du trafic des acquits à caution,
encore offerts, après les dispositions ministérielles du 11 avril courant, et
en fraude avec ces mêmes dispositions, à 22 frs par tonne ;
3° Enfin, sur l’impérieuse nécessité de
ramener la loi de 1836, si audacieusement éludée, à une loyale et rigoureuse
exécution.
Le
comité constate avec un douloureux saisissement que depuis le régime économique
de 1860, partie des feux sont éteints dans les forges restées en activité et
que tout travail à absolument cessé dans les usines dont les noms
suivent pour les départements suivants :
- Charente — Forge de Lamothe à Feuillade,
Forge de Champlaurier à Nieuil, Forge de Puyraveaux à Vitrac, Forge de Montizon
à Roussines, Forge et fonderie de Lâge à Chirac (pour le fourneau) ;
- Haute-Vienne — Forge de Chaufaille à
Coussac-Bonneval, Forge-Neuve à Meuzac, Forge de Chabrenat à Meuzac, Forge de
Séchères à Saint-Mathieu, Forge de Marsaguet à Coussac Bonneval, Forge à
Saint-Yrieix et Forge de Peyrassoulat à Chéronnac ; Etc. ».
Bulletin de la société
« Les
amis des sciences et arts de Rochechouart » de 1897
L'appréciation de l’arrêt de l‘activité de la Forge de Peyrassoulat pendant l’année 1868 correspond à ce que précise M. Albert MASFRAND dans sa « Monographie du canton de Rochechouart » en 1895.
Cette « Monographie du canton de Rochechouart », aboutissement
d’études locales, fut éditée en 1895 par l’imprimerie J. Dupanier à Rochechouart,
Monsieur Albert MASFRAND (1854-1932), Pharmacien et Président fondateur de la
société « Les amis des sciences et
arts de Rochechouart », décrivait la commune de Chéronnac et les Moulins de la Vallée de la Tardoire.
M. Albert MASFRAND parlait des
moulins et de Chéronnac en ces termes : « La commune de Chéronnac n’a d’autre
industrie que les moulins de Peyrassoula, de Roux et du Buisson, qui tous
trois sont situés au bord de la Tardoire.
Cependant, en 1848 la Forge du Buisson était en pleine
activité, et d’après la statistique les forges et fonderies des arrondissements
de Rochechouart et de Saint-Yrieix produisaient annuellement plus de 900.000
kilogrammes de fonte et au moins deux millions de kilos de fer.
Les fers étrangers ne tardèrent pas à venir ruiner
notre industrie métallurgique.
Les maîtres de forges essayèrent bien de lutter
contre cette concurrence, mais malheureusement pour eux, les fers à la houille
qui primitivement étaient de mauvaise qualité, se sont peu à peu améliorés et
dès lors la lutte devint impossible. »
Le « Moulin de Peyrassoula » et le « Moulin de Roux », selon la
transcription utilisée par Albert MASFRAND, sont aujourd’hui connus sous les
noms de Peyrassoulat et Raux. Dans sa monographie, il note
le Moulin de Raux comme faisant
partie de la commune de Chéronnac,
alors que les bâtiments du moulin proprement dit étaient sur la limite entre la
commune de Chéronnac et celle de Maisonnais-sur-Tardoire, la maison de maître étant
située sur la commune de Maisonnais-sur-Tardoire.
Une tradition locale, qui a été
propagée dans les années cinquante du 20e siècle, pourrait donner à
penser qu’une activité industrielle aurait perduré jusque vers 1920, sur le
site de la Forge de Peyrassoulat. Celle-ci aurait, en dernier lieu, appartenu à une branche de la Famille de Wendel, d’origine Lorraine.
Toutefois, aucun document écrit ne
permet de confirmer cette affirmation populaire. En tout cas des
recherches effectuées dans le répertoire du Fond Wendel n’ont pas permis de
retrouver d’indication concernant Chéronnac
ou Peyrassoulat.
Il est cependant incontestable que
le nom de Wendel est lié a celui de
l’ancienne forge de La Rivière , située dans la
commune de Champagnac-la-Rivière, située
sur les bords de la Tardoire à
quelques kilomètres en amont de Peyrassoulat.
L’établissement sidérurgique de Champagnac-la-Rivière a subsisté après
1868 et se maintint contre toute logique économique au 20e siècle.
Il fut effectivement racheté par la maison de WENDEL qui y conserva une
tréfilerie (usine de clous et de pointes) en activité pendant de nombreuses années.
Le site de La Rivière faisait partie
des positions de repli des grands établissements de l'Est et de la Moselle
après 1871. Le nom de Wendel fut avec
certitude lié a celui de l’Usine de la
Rivière de 1931 à 1958.
Le site de Champagnac-la-Rivière connu encore une recrudescence d’activité entre
1940 et 1945. L’usine de la « Société
EPI » propriété de « Sauvageau
Commercy Soudure » perpétuera la tradition sidérurgique de l’usine de La Rivière et l’exploitera jusque vers
la fin des années 90 du vingtième siècle, mais ceci est une autre histoire.
Petit Lexique :
* Une « Affinerie » était
une Forge où la fonte issue des hauts-fourneaux était affinée, c’est à dire
transformée en fer par réchauffage et battage au marteau ou martinet de forge.
Dans la pratique,
l’affinerie était principalement constituée d’un grand creuset où l’on
refondait partiellement ou ramollissait les gueuses de fonte, en les chauffant
fortement, avant de les porter au martinet ou marteau de forge mécanisé et de
les battre sur une grosse enclume pour en extraire les impuretés.
* Une « Clouterie » était un atelier ou une petite usine où étaient fabriqués les clous et des
objets similaires. Les clouteries du Périgord-Limousin
produisaient principalement des clous forgés, à têtes martelées, fabriqués sur
une enclume.
* Une « Martellerie » était un atelier où
l'on travaillait le métal au marteau de forge actionné par la force
hydraulique. Ce marteau de grandes dimensions était généralement appelé « Martinet ».
* Le « Martinet », ou Marteau de forge à
bascule, était un gros marteaux, longtemps mu par l'énergie hydraulique d'un
moulin à eau, et utilisé, du Moyen Âge jusqu'au début du 20e siècle,
pour des productions industrielles diverses comme la fabrication du papier, du
tan, du foulon, du chanvre, le battage du cuivre, le battage de la fonte ou le
forgeage du fer.
* La « Forge haute d’Étouars », qui fournissait en fonte les forges du Buisson, de Peyrassoulat et de Raux, était située sur le Ruisseau des Forges, un affluent de la Doue, elle même affluent du Bandiat, à la limite des communes d’Étouars et du Bourdeix, en Dordogne.
* La « Forge de Jommelières », fournissait en fonte les forges du Buisson, de Peyrassoulat et de Raux. Elle était située sur la rive droite du Bandiat, dans la paroisse et la commune de Javerlhac, en Dordogne. Au 17e et 18e siècles la Forge de Jommelière était la propriété de la famille HASTELET. Elle fut louée en 1750 au Marquis de MONTALEMBERT qui y coula, à partir de 1762, des Canons pour la Marine de LOUIS XV. En 1758, la Forge de Jommelière fut affermée à M. François LAPOUGE. En 1772, la production annuelle de la Forge de Jommelière était de 6000 à 7000 quintaux de fonte et de 800 à 900 quintaux d'acier. En 1780 la totalité de la propriété fut vendue à M. Jacques VALLADE. Un inventaire de 1789, indique que plus d’une centaine d’ouvrier etaient employés à la Forge de Jommelières. En 1828, M. RIBEYROL était Maître de Forge. En 1859, un projet (non abouti) de Machine à Vapeur pour compenser le manque d’eau du Bandiat fut mis à l’étude. L’arrêt de l’activité eu lieu peu après 1860.
* Le « Millier » est une ancienne unité de mesure, il avait une valeur de 10 quintaux ou 1 000 kg.
* Le « Quintal
métrique » est une ancienne unité de masse qui équivaut à 100 kilogrammes.
* Le « Pied » est une
ancienne unité de longueur correspondant approximativement à la longueur d'un
pied humain. Entre 1668 et 1799 la dimension du pied de roi utilisé en France
correspondait à environ 324,839mm. Le pied de roi, lors de son abolition
définitive en France, fut déterminé par la loi du 19 Frimaire An VIII de la
République Française (10 décembre 1799). Cette dernière stipulait que le mètre
est égal à « une longueur de 3 pieds 11,296 lignes de la Toise de l'Académie ».
* Le « Stère » est
une ancienne unité de mesure égale au mètre cube et destinée particulièrement à
mesurer le bois de feu. La loi du 13 brumaire An IX (4 novembre 1800) avait
confirmé le stère dans sa définition et sa valeur égale à 1 m3
de bois.
* La « Corde » était
une unité de volume de bois de chauffage, coupés et empilés. Cette mesure de
volume de bois très ancienne (antérieur à la révolution française), était
autrefois couramment utilisée dans les régions de France et de Belgique, ainsi
qu’en Alsace. Elle était sujette à des variantes relativement importantes et
avait une valeur de 2 à 5 stères de bois en fonction des lieux.
Il y aurait encore beaucoup à dire sur sur le patrimoine historique, naturel, culturel et humain, de la Commune de Chéronnac, mais ceci sera le sujet des prochaines publications qui vous entraînerons à la découverte de sites exceptionnels, tel la Butte de Montoume, aux origines météoritiques, les Sources de la Charente, ou les souterrains de l'église du Bourg de Chéronnac…
(à suivre donc !)...
Cette publication sur « Les Forges anciennes en Périgord-Limousin-Angoumois * » a été initiée par l'association « Les Amis de Saint-Eutrope et des Sources de la Charente ».
Auteur : J-L.E. Marcillaud ©
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