06 novembre 2018

Affinerie, Clouterie, Métiers de la Forge de Peyrassoulat, à Chéronnac (4)



             Dans les trois chapitres précédents nous avons présenté la « Forge de Peyrassoulat », à Chéronnac, dans le contexte de la métallurgie ancienne du Périgord-Limousin-Angoumois, ainsi que dans ceux de la Cartographie régionale, des Annales et des Inventaires historiques !
           
             Ce quatrième volet à pour but d'approcher et de présenter le travail de « l’Affinerie », de « la Martellerie », de « la Clouterie » et des « Métiers de la Forge », tel qu’ils ont existé au 17e , 18e et 19e siècles à la « Forge de Peyrassoulat »  !

            Les Affineries (Afinariá en Dialecte Occitan-Limousin), était des forges (Farja en Occitan-Limousin), où la fonte, issue des hauts et bas-fourneaux, était transformée en fer, comme c’était le cas à la Forge de Peyrassoulat.

            Lorsque la fonte produite dans les fonderies régionales n’était pas directement utilisée à la sortie des hauts-fourneaux pour diverses fabrications industrielles (marmites, plaques de cheminée, canons, boulets, etc), elle était coulée en lingots, appelés communément « gueuses de fonte ».

            L’Affinage consistait à retravailler la fonte pour obtenir un fer de bonne qualité.

            Les Affineries étaient le domaine des AFFINEURS (Afinaires en Dialecte Occitan-Limousin), ouvriers qui purifiaient les métaux. On trouvait au 19e siècle (1835-1878), des Maîtres affineurs, des Garçons affineurs et des Ouvriers affineurs. Ils sont évoqués par Monsieur P.-A. Beaumarchais dans « Mémoires » (T. 1, p. 198 ; 1799) : « Cette coupelle (...) où le sieur Marin fournit le charbon, et où les garçons affineurs, soufflent le feu du fourneau ». 


AFFINEURS
d’après l’ENCYCLOPÉDIE
de MM Denis Diderot (1713-1784) et
Jean le Rond d'Alembert (1717- 1783)

            La Forge de Peyrassoulat, située comme nous l’avons vu dans les précédents récits sur les bords de la Tardoire, dans la commune de Chéronnac en Haute-Vienne, était principalement une affinerie de métal, où la fonte était transformée en fer épuré. 

            Les affineurs étaient souvent secondés par des CHAUFFEURS (Caufaires en Dialecte Occitan-Limousin), ouvriers forgerons chargés de mouvoir les Soufflets de Forge * et s'occuper d’activer le feu de la forge, où le métal était porté à son point de fusion, pour pouvoir être retravaillé.

            Au 18e et 19e siècles, le métier d'Ouvrier chauffeur était couramment répandu dans la région du Périgord-Limousin.



Double soufflets de forge
d’après l’ENCYCLOPÉDIE, de MM Diderot et d'Alembert


            Le point de fusion de la fonte était assez bas, vers 1153°C, mais il était nécessaire de la chauffer à 1800°C pour la transformer en fer épuré.

            La fonte provenant de hauts-fourneaux était un alliage de fer, contenant entre 2,1 et 6,67 % de carbone. L'alternance de plusieurs phases de réchauffement et de martelage de la fonte, sous le marteau, permettait l'élimination progressive de ce carbone.

            Le poids du fer épuré obtenu, dépendait des impuretés contenues dans la fonte. Il correspondait plus ou moins au trois quarts du poids de la gueuse de fonte avant sa transformation !

            Bien que certains propriétaires de hauts-fourneaux aient possédé une ou plusieurs affineries, la plupart des gueuses de fonte produites dans les fonderies du Périgord-Limousin-Angoumois étaient retravaillées dans des forges indépendantes. Les maîtres de forge de ces affineries achetaient leurs matières premières aux fondeurs pour pouvoir ensuite les transformer dans leur propres établissements.

            Les ateliers des forges étaient généralement abrités sous des bâtiments relativement grands, où on trouvait un ou plusieurs feux d'affinage. Ces feux étaient attisés à l'aide de soufflets mus par la force hydraulique fournie par les roues des moulins.

            Les installation des forges, comme celle de Peyrassoulat, comportaient aussi des agencements annexes : la halle à charbon, le magasin à fer, la clouterie et autres magasins de stockage pour le charbon de bois
On trouvait aussi sur les sites métallurgiques du Périgord-Limousin-Angoumois des logements pour les forgerons, ainsi que les bâtiments de l’habitation du maître de forge.

            Ces ensembles qui constituaient les bâtiment des forges étaient complétés par des cours ou esplanades pour la circulation des charrettes ou tombereaux qui servaient au transport du charbon de bois, à celui des gueuses de fontes et aussi celui des produits retravaillés ou finis, qui pour la forge de Peyrassoulat étaient en premier lieu expédiés vers la Fonderie de Ruelle-sur-Touvre ou étaient destinés à la clientèle régionale.

            La Forge de Peyrassoulat comportait aussi une Clouterie, c’était le domaine du CLOUTIER (Clavelièr en dialecte de Langue-d’Oc), le fabricant de clous.

            Le cloutier exerçait son activité dans un petit atelier, entouré de ses agencements et outils, qui servaient à façonner les clous et les têtes de clous :
- une petite forge, chauffée au charbon de bois ;
- une enclume de forgeron, semblable à celle utilisée par le maréchal-ferrant, qui servait à façonner les corps des clous ;
- une enclume de cloutier, qui servait à façonner les différentes sortes de clous ;
- un petit soufflet, actionné par les rouages entrainés par la roue de la chute d’eau du bief voisin ;
- plusieurs marteaux de différentes tailles, marteaux droits et marteaux courbés ;
- des tenailles droites, des tenailles à crochets, des tenailles à bidons.

L’enclume de cloutier était composée de plusieurs éléments :
- le pié d'étape ou étapou, qui supportait la clouyère ou cloutière ou clavière ;
- la place ou pialou ;
- la tranche ;
- une lame ressort, pour éjecter le clou après le façonnement de la tête.

Outillage de cloutier,
d’après l’ENCYCLOPÉDIE, de MM Diderot et d'Alembert

            Les enclumes utilisées par le cloutier étaient posées sur des billots de bois, qui les positionnaient à une hauteur de travail appropriée, comme cela était souvent le cas dans une forge de village.

            Suivant la nature du clou à réaliser (taille et forme de la tête), le cloutier disposait d'une série de cloutières. En réalité, le nombre de cloutières utilisées était limité car le cloutier se spécialisait généralement dans la fabrication de 4 ou 5 types de clous différents.

            Le cloutier de Peyrassoulat travaillait dans un bâtiment attenant à la forge. C’est d’ailleurs paradoxalement le bâtiment dont les ruines sont encore le plus reconnaissables aujourd’hui, tout comme celles de la maison du maitre de forge.

            Un cloutier expérimenté forgeait, selon leurs tailles, entre cinquante et cent clous par heure. Ce métier était relativement pénible, les cloutiers travaillant douze à treize heures par jour, cela demandait une certaine force physique ainsi que de l’habileté. Une fois forgés, les clous étaient revendus aux marchands ou fabricants, ce que l’on appellerait aujourd’hui des grossistes, lesquels en assuraient la commercialisation.  

            Les clous fabriqués à Peyrassoulat étaient principalement destinés à une clientèle locale et régionale, bien que cette production ait aussi vraisemblablement été distribuée par les marchants de fer.  

            Les équipements et le personnel des affineries étaient variables selon leur importance.

            Ce qui caractérisait le plus les sites des forges, installées sur les cours des rivières, en aval des barrages, ou sous les déversoirs des grands étangs de la région du Périgord-Limousin-Angoumois, étaient les biefs ou chenaux des moulins à eau qui fournissaient la force motrice.

            La force hydraulique fournie par la Tardoire permettait d’actionner les marteaux, ou MARTINETS * de forge. 
Les Martinets de forge, pouvaient atteindre plus de 500 kg, et étaient mués par une roue à cames, ou un cylindre en bois munis de bras de levage, qui tournait grâce à l’énergie transmise depuis les mécanismes des roues à aubes du moulin. Les cames ou les bras de levage rythmaient, en tournant, la cadence du martinet de forge. Selon le débit de l'eau, le marteau pouvait retomber une centaine de fois par minute sur la grosse enclume qui pesait souvent plusieurs centaines de kilos. 


MARTINET de forge au XVIIIe siècle, d’après l’ENCYCLOPÉDIE
de MM Denis Diderot (1713-1784) et Jean le Rond d'Alembert (1717- 1783)



            Cette industrie métallurgique locale, qui restait cependant très artisanale sur le plan technique, avait entrainé le développement de nombreux métiers dont certains sont aujourd’hui oubliés ou disparus.

            Le BÛCHERON (Boscassièr ou Boscatièr en Dialecte de Langue-d’Oc) était un professionnel de la coupe de bois, généralement celle des taillis et forêts de châtaigniers, qui ont fait prospérer les métiers de bûcherons et de charbonniers dès le 16e siècle dans la région du Périgord-Limousin. Les agriculteurs exerçaient aussi souvent ce type d'activité pour tirer un revenu des forêts qu'ils géraient directement ou pour le compte d’un propriétaire terrien.

            Le CHARBONNIER (Charbonié en Dialecte Occitan-Limousin) fabriquaient non seulement le charbon de bois mais se chargeait aussi de le livrer dans les halles à charbon des forges, qui en étaient grandes consommatrices.

            Les transports, de la fonte, du charbon de bois, et autres produits, indispensable à la bonne marche de la Forge, étaient souvent effectués par des attelages tirés par des bœufs.

            Ces derniers étaient menés par le BOUVIER (Boièr en Dialecte de Langue d’Oc), ou le CHARRETIER (Carratier en Ancien Occitan) qui conduisait un attelage tracté par des animaux venus principalement des exploitations agricoles du voisinage.

            Le ROULIER ou VOITURIER (Veiturèr ou Carretièr en Dialectes de Langue d’Oc) conduisait les produits finis vers la Fonderie de Ruelle-sur-Touvre ou vers le Port de l’Houmeau à Angoulême où ils étaient chargés sur les bateaux et les gabares des GABARIERS, qui étaient les maitres du transport fluvial sur la Charente.

            L’activité des forges venait en règle générale compléter l’économie locale, bien que la main-d’œuvre directement employée ait été limitée à quelques hommes sur la plupart des sites métallurgiques du Périgord-Limousin-Angoumois.

            Tous les métiers de la forge étaient relativement pénibles. Les ouvriers forgerons devaient avoir une certaine force et résistance physique pour supporter le dur travail avec le marteau, le transport de lourdes charges, les températures dans la forge et les désagréments causés par les émissions de fumées sortant des creusets chauffés au charbon de bois, sans oublier le bruit incessant des rouages du moulin et du marteau sur l’enclume.

            L’ensemble du personnel de la forge dépendait du maître ultime : 
le FORGERON (Faure en Dialecte Occitan-Limousin) appelé aussi MAÎTRE de FORGE lorsqu’il exerçait lui même la gestion du site !

            Cette profession était connu dans les pays de Langue-Oïl sous le surnom de FÈVRE, et sous celui de FAURE ou FABRE, dans les pays de Langue-d‘Oc.

            Le nom de famille Faure se rencontre beaucoup en Périgord-Limousin-Angoumois. FAURE, est un mot d’origine occitane, issu du latin Faber, il désignait ainsi le principal ouvrier de la forge, tout autant que le forgeron artisanal du village.

            Vers le milieu du 18e siècle, suite aux demandes spécialisées de l’artillerie de marine, l’évolution des ateliers artisanaux de la petite métallurgie, qui avait été la caractéristique des forges rurales du Périgord-Limousin-Angoumois, conduisit à la création d’établissements industriels de grande dimensions. Le plus important d'entre-eux a été le site industriel de la « Fonderie de Ruelle-sur-Touvre », en Angoumois, fondée par le Marquis René, Marc, de MONTALEMBERT en 1750-1751 et dont l'activité s'est maintenue de 1753 jusqu'à nos jours.



Petit Lexique:
* Le Soufflet de forge était le complément indispensable de la forge, du bas-fourneau ou du haut-fourneau. Il permettait d'atteindre les températures suffisantes pour faire fondre ou travailler le fer. Dans une forge, les roues des moulins étaient utilisées pour actionner des soufflets hydrauliques qui entretenaient les fours. Le métal devant subir une chauffe régulière pour pouvoir être travaillé.

Orientation bibliographique :
            « Les forges limousines à la fin du XVIIIe siècle », par Paul DUCOURTIEUX D (1846-1925), dans le Bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin ; Tome LXXI ; Édition de 1926.

            « L'ancienne industrie du fer dans le Périgord septentrional », par René PIJASSOU ; Publié dans la Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, tome 27, fascicule 3 ; pp. 243-268 ; Publication : 1956.

            « Les anciennes forges de la région du Périgord », par E. PEYRONNET ; Édition : Delmas ; Publication : 1958.

            « Les Anciennes Forges du Bassin de la Tardoire » ; par Mme Fils DUMAS-DELAGE ; Publication : « Autour d'Écuras - Journal d'Histoire locale, monuments, folklore - N° 6 ; Avril 1991.

            « Dictionnaire des Vieux Métiers – 1200 métiers disparus ou oubliés » ; par Paul REYMOND ; Édition : BROCELIANDE, Paris ; Publication : 1994.

            « Les Forges de l’Angoumois à travers l’histoire des Forges de Pont Rouchaud, à Roussines, Charente » ; par Jacky RABION ; Édité par : Histoire Passion ; Publication : 2009. 

            « Fiche technique sur les Forges de la Haute-Vienne » ; Glossaire du Haut-Fourneau - Le Tour de France des départements vus sous les aspects minier et sidérurgique ; Édition : Association « Le Savoir Fer » ; Publication : 2017.


Cette publication sur « Les Forges anciennes en Périgord-Limousin-Angoumois * » a été initiée par l’association « Les Amis de Saint-Eutrope et des Sources de la Charente ».
Auteur : J-L.E. Marcillaud ©
Toute reproduction est interdite sans autorisation préalable de l'auteur !

27 septembre 2018

Forge de Peyrassoulat, à Chéronnac, dans les Annales et Inventaires (3)

              Dans les deux publications précédentes nous avons présenté la “ Forge de Peyrassoulat ”, à Chéronnac, dans le contexte de la métallurgie ancienne du Périgord-Limousin-Angoumois, ainsi que dans celui de la cartographie régionale.
            
             Ce troisième volet de notre publication à pour intention d'approcher plus en détail la vie de ce site exceptionnel du Parc Naturel Régional Périgord-Limousin, en approchant la découverte et la lecture des Annales et Inventaires historiques !

             Les premiers actes connus faisant référence à Peyrassoulat remontent au milieu du 18e siècle.

             L’inventaire constitutif du document intitulé « État par paroisse de la Vicomté de Rochechouart », a été établi en 1785, il mentionnait pour la paroisse de Chéronnac : « Forges à fer, deux, dans lesquelles un seul forgeron suffit ; moulins à grains, quatre ».

            Ceci est confirmé par un document conservé dans les archives de la Préfecture d’Angoulême, en Charente, dans lequel une forge à fer est attestée en 1785 au lieu dit Persoulas, situé à cette époque dans la Paroisse de Chéronnac, l’Élection de Confolens et la Généralité de Poitiers.

            Un inventaire de 1789 indique que la Forge de Peyrassoulat, établie « de temps immémorial », est une forge à un feu, installée sur la rive de la Tardoire.

            La production de la Forge de Peyrassoulat était au début de la Période Révolutionnaire de « 55 Milliers* de Fer » (26,92 T), avec « 785 Cordes de bois* » (2.842 Stères). Le propriétaire de la Forge de Peyrassoulat était Nicolas LÉONARD, il employait trois ouvriers. Le maître de forge était Nicolas LÉONARD-BELAIR, celui-ci décédera en 1837 à l’âge de 80 ans.

            La plupart des forges du Périgord-Limousin-Angoumois étaient caractérisées par deux installations, complémentaires l'une de l'autre :
            D’une part « le Foyer » *, dans lequel les « gueuses de fontes » * étaient chauffées en utilisant du charbon de bois comme combustible puis portées à la température nécessaire pour le travail du métal par l’action des « soufflets » * ; 
            D’autre part la « Martellerie » *, où les fontes, encore chargées d’impuretés, étaient retravaillées, c’est à dire battues sur une enclume par l’action du volumineux marteau du « martinet de forge » *. 
Ce dernier était actionné par des engrenages et bras de levage permettant de transmettre la force motrice du proche moulin à eau, situé sur un bief aménagé dans le lit de la Tardoire.

MARTINET de forge (appelé aussi marteau-pilon) des 18e siècle et 19e siècle


            Tout comme les autres forges de la région, la Forge de Peyrassoulat a fourni, dans la seconde moitié du 18e siècle, des fontes et du fer à la Fonderie de Canons pour la Marine de guerre, créée en 1750-1751, à Ruelle-sur-Touvre dans la Province d’Angoumois, par le Marquis René, Marc, de MONTALEMBERT (1714 - 1800).

M. Marc-René de MONTALEMBERT, né à Angoulême le 16 juillet 1714 et décédé à Paris le 28 mars 1800 ; Seigneur de Maumont, Juignac, Saint-Amant, Montmoreau, la Vigerie et Forgeneuve, Marquis, Lieutenant-général du Roi de France Louis XV en Saintonge et Angoumois, Conseiller et expert militaire ; il est devenu Général pendant la période de la Révolution française ; Homme de lettres et Ingénieur civil et militaire, spécialisé dans les fortifications défensives, Maître de forge ; Il est l'initiateur de la création de la Forge et Fonderie à canons pour la marine du Roi, à Ruelle, en Angoumois, en 1753, devenu « Fonderie royale de la Marine » en 1782.
            

            De manière générale, les produits finis de la Forge de Peyrassoulat étaient, à la fin du 18e siècle et au cours du 19e siècle, principalement expédiés vers la ville d’Angoulême et le département de la Charente, mais certains produits, tel les clous, étaient vendus localement.

            Bien qu’il soit difficile de retrouver des personnes en relation directe avec le travail de la Forge de Peyrassoulat, l’étude des Actes de l’État Civil de la Période Révolutionnaire apporte quelque renseignements sur la vie de la forge et sur celle des habitants du village voisin.

            En août 1793, le citoyen Jean BARUSSAUD, Maître forgeron à la Forge de Peyrassoulat, était mentionné dans le registre de l’État Civil de la commune de Chéronnac, il demeurait alors avec son épouse Françoise LACOMBE au village de Peyrassoulat, lors de la naissance de leur fille, malheureusement décédée en bas-âge quelques mois plus tard.

            Le Primidi 11 Pluviôse, 14e Décade, An VI de la République Française (correspondant au Mardi 30 janvier 1798, du Calendrier grégorien), Jean CHEIROU, Cloutier, est mentionné comme demeurant avec son épouse Marie TIPHONET au village de Peyrassoulat, lors de la déclaration de naissance de leur fille.

            Le Tridi 23 Pluviôse, 15e Décade, de ce même An VI de la République Française (ou Dimanche 11 février 1798), Guilhem DAUTRIAT, Cloutier, demeurant avec son épouse Marguerite VIAUD dans le village de Peyrassoulat, est mentionné lors de la déclaration de naissance de leur fille Catherine, née le jour précédent.

             Ces renseignements trouvés dans les registres de la commune de Chéronnac, datant de la Première République, et du Régime du Directoire (1795 – 1799), montrent non seulement que l’atelier de la Forge de Peyrassoulat était dirigé par un Maître forgeron, mais aussi que cette forge fournissait du travail à au moins deux cloutiers !

CLOUTIER et CLOUTERIE d’après l’ENCYCLOPÉDIE
de MM Denis Diderot (1713-1784) & Jean le Rond d'Alembert (1717- 1783)



            Selon la « Statistique générale et particulière de la France et de ses colonies », éditée en 1804 chez F. Buisson Ainé, Imprimeur-Libraire à Paris, il y avait deux forges à « Perra-Soula » de Chéronnac.

            L’affirmation de la présence de deux forges à Peyrassoulat est confirmée dans un chapitre de la « Géographie statistique, hydraulique, minéralogique, historique, politique, commerciale et industrielle, de toutes les parties du monde. Tome 2 ; Contenant l'histoire des anciennes provinces de France et des pays conquis et réunis depuis 1722 », publié en 1806. 

            « L’inventaire des Forges, Fourneaux et Fonderies de la Haute-Vienne » de 1806 indique l’existence de deux forges dans la commune de Chéronnac, situées ensemble à Perra-Soula

            La publication de la Géographie statistique s’inscrit dans le contexte de l'Exposition des produits de l'Industrie nationale, ouverte le 26 septembre 1806, Place des Invalides à Paris, à laquelle participait plus de 1422 exposants. 

            Un « État fait en 1808 », décrit la Forge de Peyrassoulat, comme étant dirigée par Messieurs Nicolas LÉONARD et Louis LÉONARD ; Cette forge disposait de deux affineries et d’un marteau-pilon. 
Messieurs Nicolas LÉONARD et Louis LÉONARD dirigeaient aussi en 1808 la Forge du Buisson, située sur la commune de Chéronnac

                        Les données statistiques réunies depuis le milieu du 18e siècle et publiées en 1804, 1806 et 1808, sous le Premier Empire français, permettent de constater que les forges de Peyrassoulat, du Buisson et de Raux produisaient ensemble annuellement, environ 190 Tonnes de fer par an et qu’elles employaient ensemble 15 ouvriers, auxquels il fallait rajouter les maîtres de forge.

            La fonte, retravaillée à Peyrassoula, le Buisson et et Raux, provenait principalement des haut-fourneaux de la Forge d’Étouard * et de ceux de la Forge de Jomelières *, en Dordogne




Reconstitution d’une coulée de fonte à la Forge d’Étouard, située dans le département de la Dordogne, en région Nouvelle-Aquitaine et dans le Parc Naturel Régional Périgord-Limousin ; La Forge d’Étouard était éloignée de vingt quatre kilomètres de celle de Peyrassoulat.


                        D’après la « Statistique générale de la France, publiée par ordre de sa Majesté l’Empereur et Roi, sur les mémoires adressés au Ministre de l’Intérieur par M.M. les Préfets ; Département de la Haute-Vienne, M. L. Texier-Olivier, Préfet ; Imprimé à Paris, chez Testu Imprimeur de sa Majesté ; MDCCCVIII (1808) », les forges de la commune de Chéronnac, situées sur la Tardoire,  Peyrassoulat, le Buisson et Raux, appartenaient respectivement à MM. Nicolas et Louis LÉONARD pour les deux premières et à M. PLANTIER pour la troisième.

Les forges sont ainsi décrites dans la statistique de 1808 :
« En descendant le cours de la Tardoire, on trouve trois autres forges, dont deux sont situées dans la commune de Chéronnat, et la troisième dans celle des Salles-de-la-Vauguyon. Les deux premières, connues sous le nom du Buisson et de Peyre-Soulat, sont possédées par MM. Nicolas et Louis LÉONARD ; elles ont composées chacune de deux affineries* et d’un marteau* ; La troisième, appelée de Raux, n’a qu’une affinerie, elle appartient à M. PLANTIER. Le produit de ces trois forges, qui consiste en 19.000 myriagrammes* de fer de toute espèce et de toute dimension, est presque tout expédié pour les départements de la Charente et de la Charente-Inférieure. Quinze ouvriers sont employés à la fabrication de ce fer, pour laquelle on consomme 31.600 myriagrammes de fonte et 28.500 myriagrammes de charbon.
On tire la fonte des fourneaux d’Étouard et de Jomelières. On la paie 1f 82c le myriagramme, conduite aux forges. Le myriagramme de fer coûte 15 centimes de voiture pour Angoulême, qui est la principale ville d’expédition. »

            Dans les « Annales des arts et manufactures – Sur le Commerce, l’Industrie et l’Agriculture du département de la Haute-Vienne », Tome XXXI, N° 91 – 92 – 93 Annales des arts et manufactures, éditée en 1809, les auteurs remarquent :
« Il n’existe point de grandes usines à fer dans les arrondissements de Limoges et de Bellac ; elle sont toutes placées dans la partie méridionale du département, sur les cours du Bandiat et de la Tardoire. Les motifs qui ont déterminés le placement de ces usines sont la proximité des minières, l’abondance des combustibles et l’heureuse position des eaux. »

            Le rapporteur des « Annales des arts et manufactures » de 1809 continuait en ces termes : « Le département de la Haute-Vienne possède actuellement vingt-sept forges et quatre fourneaux. Seize de ces forges sont situées dans l’arrondissement de Rochechouart, et onze dans celui de Saint-Yrieix ».

            Les « Annales des arts et manufactures » de 1809 donnent aussi quelques détails sur les établissements de la vallée de la Tardoire :
« En descendant le cours de la Tardoire, on trouve trois autres forges, dont deux sont situées dans la commune de Chéronnat, et la troisième dans celle des Salles-de-la-Vauguyon. Les deux premières, connues sous le nom du Buisson et de Peyre-Soulat, sont possédées par MM. Nicolas et Louis LÉONARD. Elles sont composées chacune de deux affineries et d’un marteau ; la troisième forge, appelée de Raux, n’a qu’une affinerie, elle appartient à M. Plantier. Le produit de ces trois forges consiste en dix-neuf milles myriagrammes de fer de toute espèce et de toute dimension. »

            L’analyse des différents rapports et statistiques publiés dans les annales donne à penser que 27 forges étaient en activité en Haute-Vienne pour seulement 4 hauts-fourneaux.

            Selon le « Dictionnaire universel-portatif du commerce », mis en ordre par M. Léopold et éditée chez Pillet Ainé, Imprimeur-Libraire à Paris, il y avait en 1820 deux forges à « Perra-Soula », dans la commune de Chéronnac, en Haute-Vienne



« L’Almanach du commerce de la ville de Limoges, et du département de la Haute-Vienne » publié par P. Ardillier, éditeur à Limoges, en 1830, mentionne deux personnes en relation avec des forges dans le Canton de Rochechouart : Louis LÉONARD-DUBUISSON, maître de forge à Chéronnac et Jean LÉONARD-BELAIR, également maître de forge à Chéronnac.


            La forge, dénommée « usine à fer et à dérivés, dite de Peyrassoulas, à Chéronnac », fut maintenue en activité, entre 1835 et 1850, par M. Jean-Baptiste LÉONARD-BELAIR, puis par M. BARRET-BOISBERTRAND ; ce dernier était maître de forge en 1835.

            L’Almanach du commerce de Paris, dans son édition de 1837, mentionne dans la commune de Chéronnac la Forge dePeyrassoulat, équipée de deux affineries et d’un martinet ; elle était la propriété de M. Nicolas LÉONARD.

            Avant la Révolution française et au début du 19e siècle, la famille LÉONARD résidait au village de Chez Bélair, de la paroisse de Chéronnac.

            Le village de Chez Bélair présente encore, au début du 21e siècle, les caractéristiques d’un ensemble rural limousin traditionnel, avec comme construction principale la maison de maître du 19e siècle dans son parc, des logis, une chaumière, des granges-étables, des puits, des « clédiers » *, fournils et poulaillers, disposés de part et d’autre de l’ancien « Grand Chemin de Limoges à Angoulême ».

            Selon l’historien André Lecler, la famille LÉONARD portait blason. Celui-ci était : « D’or à la plante de nard * de sinople, fleurie au sommet d’une rose de gueules *, accostée de deux lions affrontés de même, et accompagnée en chef * d’un croissant d’argent ».

            En 1837-1838, le maître de forge de Peyrassoulat était M. Jean LÉONARD-BELAIR, qui est décédé en 1838 à l’âge de 56 ans.

            Dans « L’Annuaire général du commerce, de l'industrie, de la magistrature et de l'administration », publié par la Société des annuaires (Paris) et Firmin-Didot frères Éditeurs à Paris, en 1838, il est fait état à la rubrique « Commerce, Industrie » pour la commune de Chéronnac de deux Maîtres de forges : Louis LÉONARD, dirigeant deux affineries et cinq martinets, au Buisson, et Nicolas LÉONARD, menant deux affineries et un martinet, à Peyre-Soulat.   

            Les publications des « Rapports et délibérations du Conseil général de la Haute-Vienne » pour les années 1841, 1842, 1843, 1844 et 1845, mentionnent Pierre BOUTINAUD-GRANDPRÉ comme maître de forge à Chéronnac.

            Un rapport de l’ingénieur en chef des mines, daté du 26 août 1844, fait état d’une production de fer de 55 Milliers* et d’une utilisation de 785 Cordes de bois, comme combustible. Le prix du bois était de 7 frs 50 la Corde. La main-d’œuvre était constituée par trois ouvriers, qui recevaient un salaire de 1 frs 25 le Quintal métrique. 

            La « 3e Série des Annales des Mines », publiée par la Commission des Annales des Mines, sous l’autorisation du Sous-Secrétaire d’État des Travaux Public, à Paris, chez Carilian-Goeury et Vor Dalmont, Éditeurs-Libraires, mentionne que : « Le Décret du 19 décembre 1849, autorise les Sieur et Dame BARRET-BOISBERTRAND à maintenir en activité l’usine à Fer et à Acier de Peyrassoulas (Haute-Vienne) ».

            Un rapport de 1850 indique que l’activité de l’usine à fer dite « Peyrassoulas » à Chéronnac fut maintenue par Jean-Baptiste-Léonard BELAIR puis par BARRET-BOIBERTRAND entre 1835 et 1850.

            Les Maîtres de Forges de Peyrassoulat employaient aussi d’autre personnel pour la gestion ou l’entretien de leurs maisons. Ainsi, en 1855, le Registre des décès de la commune de Chéronnac mentionnait que M. Martial LADRAT, domestique, âgé de 54 ans, époux de Marie CHESSON, était décédé le 7 juin aux Forges de Peyrassoulat.

            Entre 1838 et 1860, plusieurs maîtres de forge de la même famille se sont succédés à la tête de la Forge de Peyrassoulat :
            M. Jean Baptiste BLANCHON-LASSERVE, né le 19 Thermidor An V (6 août 1797), dans le village de Ribiéras, commune d’Étouars, Dordogne, et décédé le 26 octobre 1860, à La Chapelle Saint-Robert, Dordogne, à l’âge de 63 ans.
            M. Jean Baptiste BLANCHON-LASSERVE était associé avec son épouse Mme Adèle LÉONARD-BELAIR, née le 1er juillet 1804 à Chéronnac, Haute-Vienne et décédée le 29 septembre 1870, à La Chapelle Saint-Robert, Dordogne, à l’âge de 66 ans. Leur mariage avait été célébré le 8 septembre 1823 à Chéronnac.
            Leur fille Mme Catherine Louise BLANCHON-LASSERVE, née le 12 septembre 1824 à Saint Mathieu, Haute-Vienne, et décédée 25 août 1892 à Angoulême, Charente, à l’âge de 68 ans, maintiendra la Forge en activité entre 1841 et 1860, avec l’appui de son époux M. Jean Adolphe BARRET-BOISBERTRAND, né le 9 janvier 1819 à Limoges et décédé le 27 mai 1899 à Angoulême, Charente, à l’âge de 80 ans. Leur mariage avait été célébré à Javerlhac et la Chapelle Saint-Robert, Dordogne, le 22 novembre 1841.
            Entre 1860 et 1866, c’est Mme Adèle BLANCHON-LASSERVE, née LÉONARD-BELAIR, qui sera en charge de l’exploitation, probablement avec son gendre M. Jean Adolphe BARRET-BOISBERTRAND.
            Le fils de Catherine Louise BLANCHON-LASSERVE et Jean Adolphe BARRET-BOISBERTRAND, M. Georges Nicolas BARRET-BOISBERTRAND, né à Javerlhac, en Dordogne, le 30 avril 1845, ne suivra pas son père à la tête de la forge, il deviendra Fabricant de porcelaine à Limoges, où il sera enregistré comme porcelainier en 1892. En juin 1884, il avait épousé Mlle Marie Euphémie PENNE, originaire d’Aigre, en Charente. La première épouse de Georges Nicolas BARRET-BOISBERTRAND est décédée le 14 mai 1896 à Limoges ; Il se remariera le 10 octobre 1900, dans cette ville, avec Marie Alfrédine RATAUD.

            Un mémoire établit par le chef d’escadron LACOUR répertoriant les forges de la Tardoire et du Bandiat, en 1862, mentionnait la Forge de Peyrassoulat comme étant encore en activité.

            Dans « L’Annuaire-almanach du commerce, de l'industrie, de la magistrature et de l'administration : ou almanach des 500.000 adresses de Paris, des départements et des pays étrangers », édité par Firmin-Didot frères (Paris), en 1863, il est fait mention pour la commune de Chéronnac, « située à 10 km de Rochechouart », de plusieurs forges.

            En 1863, Monsieur BLANCHON-LASERVE était nommé comme maître de forge à « Peyra-Soulat », où se trouvaient deux affineries et un martinet.

            L’importante propriété de M. Jean Adolphe BARRET-BOISBERTRAND, propriétaire de la Forge de Peyrassoulat, était aussi mentionnée dans l’annuaire-almanach du commerce de 1863.

            L’année 1863 marqua très certainement l’apogée de l’activité métallurgique sur le site de Peyrassoulat, qui commença rapidement à péricliter dans les années suivantes.

            Le journal « Le Courrier du Centre » a mentionné Monsieur Marc DUPLANTIER, comme Maître de forges à Chéronnac, dans sa publication du 6 février 1863. Ce même journal mentionnera dans son édition, daté du 26 juillet 1868, Monsieur Marc DUPLANTIER, comme Propriétaire et Maître de forges à Chéronnac, sans qu’il soit possible de lier son activité la Forge de Peyrassoulat. Dans les deux publications, Monsieur Marc DUPLANTIER figurait sur la liste des jurés appelés à siéger aux assises, qui devaient s’ouvrir à Limoges.

            L’arrêt de l’activité de la Forge de Peyrassoulat se serait fait au cours de l’année 1868 !

            Cette fermeture de la Forge de Peyrassoulat est contemporaine de la décadence générale des forges d’Aquitaine chauffées au charbon de bois, consécutive à l’application du traité de libre échange franco-anglais, dit « Traité Cobden-Chevalier », de 1860.

            L’arrêt d’activité de nombreuses forges est confirmé par une lettre de 1868, envoyée par Monsieur A. PICAUD, président du Comité des maîtres de forges de la région du Sud-ouest, aux rédacteurs des journaux de Périgueux :
« Le régime économique de 1860 a écrasé l’industrie métallurgique, celle de notre zone aussi bien que celle des autres circonscriptions. Une demi-activité règne encore au prix d’énormes sacrifices dans quelques rares établissements de notre région, en attendant que, comme le plus grand nombre, tous succombent à la suite d’une lutte devenue désespérer. Dans cette désolante perspective, les maîtres de forges ont cru devoir, sur l’initiative de l’un deux, M. Prévost, des Fénières, et à l’exemple de leurs confrères des autres circonscriptions, se constituer en comité pour la défense commune de leurs intérêts. »

            Monsieur PICAUD joignait à sa lettre le compte-rendu des délibérations de la première assemblée du comité des maîtres de forges de la Région du Sud-ouest, dans lequel il était précisé : « Sous l’impulsion pénible de la ruine imminente de l’industrie du fer dans la circonscription du Sud-ouest, le comité, cédant à la double nécessité d’en indiquer les causes et de pourvoir aux moyens de les écarter, est unanimement d’avis d’interpeller l’attention du Chef de l‘État :
1° Sur la déplorable situation qu’a faite à cette industrie l’introduction des fers étrangers ;
2° Sur l’aggravation qui résulte des réductions effectives des droits protecteurs (fixés à 60 frs par tonne pour les fers), par les tolérances injustifiables du trafic des acquits à caution, encore offerts, après les dispositions ministérielles du 11 avril courant, et en fraude avec ces mêmes dispositions, à 22 frs par tonne ;
3° Enfin, sur l’impérieuse nécessité de ramener la loi de 1836, si audacieusement éludée, à une loyale et rigoureuse exécution.
            Le comité constate avec un douloureux saisissement que depuis le régime économique de 1860, partie des feux sont éteints dans les forges restées en activité et que tout travail à absolument cessé dans les usines dont les noms suivent pour les départements suivants :
- Charente — Forge de Lamothe à Feuillade, Forge de Champlaurier à Nieuil, Forge de Puyraveaux à Vitrac, Forge de Montizon à Roussines, Forge et fonderie de Lâge à Chirac (pour le fourneau) ;
- Haute-Vienne — Forge de Chaufaille à Coussac-Bonneval, Forge-Neuve à Meuzac, Forge de Chabrenat à Meuzac, Forge de Séchères à Saint-Mathieu, Forge de Marsaguet à Coussac Bonneval, Forge à Saint-Yrieix et Forge de Peyrassoulat à Chéronnac ; Etc. ».

Bulletin de la société 
« Les amis des sciences et arts de Rochechouart » de 1897

            L'appréciation de l’arrêt de l‘activité de la Forge de Peyrassoulat pendant l’année 1868 correspond à ce que précise M. Albert MASFRAND dans sa « Monographie du canton de Rochechouart » en 1895.

            Cette « Monographie du canton de Rochechouart », aboutissement d’études locales, fut éditée en 1895 par l’imprimerie J. Dupanier à Rochechouart, Monsieur Albert MASFRAND (1854-1932), Pharmacien et Président fondateur de la société « Les amis des sciences et arts de Rochechouart », décrivait la commune de Chéronnac et les Moulins de la Vallée de la Tardoire.

            M. Albert MASFRAND parlait des moulins et de Chéronnac en ces termes : « La commune de Chéronnac n’a d’autre industrie que les moulins de Peyrassoula, de Roux et du Buisson, qui tous trois sont situés au bord de la Tardoire.
Cependant, en 1848 la Forge du Buisson était en pleine activité, et d’après la statistique les forges et fonderies des arrondissements de Rochechouart et de Saint-Yrieix produisaient annuellement plus de 900.000 kilogrammes de fonte et au moins deux millions de kilos de fer.
Les fers étrangers ne tardèrent pas à venir ruiner notre industrie métallurgique.
Les maîtres de forges essayèrent bien de lutter contre cette concurrence, mais malheureusement pour eux, les fers à la houille qui primitivement étaient de mauvaise qualité, se sont peu à peu améliorés et dès lors la lutte devint impossible. »

            Le « Moulin de Peyrassoula » et le « Moulin de Roux », selon la transcription utilisée par Albert MASFRAND, sont aujourd’hui connus sous les noms de Peyrassoulat et Raux. Dans sa monographie, il note le Moulin de Raux comme faisant partie de la commune de Chéronnac, alors que les bâtiments du moulin proprement dit étaient sur la limite entre la commune de Chéronnac et celle de Maisonnais-sur-Tardoire, la maison de maître étant située sur la commune de Maisonnais-sur-Tardoire.

            Une tradition locale, qui a été propagée dans les années cinquante du 20e siècle, pourrait donner à penser qu’une activité industrielle aurait perduré jusque vers 1920, sur le site de la Forge de PeyrassoulatCelle-ci aurait, en dernier lieu, appartenu à une branche de la Famille de Wendel, d’origine Lorraine.

            Toutefois, aucun document écrit ne permet de confirmer cette affirmation populaire. En tout cas des recherches effectuées dans le répertoire du Fond Wendel n’ont pas permis de retrouver d’indication concernant Chéronnac ou Peyrassoulat.

            Il est cependant incontestable que le nom de Wendel est lié a celui de l’ancienne forge de La Rivière , située dans la commune de Champagnac-la-Rivière, située sur les bords de la Tardoire à quelques kilomètres en amont de Peyrassoulat.

            L’établissement sidérurgique de Champagnac-la-Rivière a subsisté après 1868 et se maintint contre toute logique économique au 20e siècle. 
Il fut effectivement racheté par la maison de WENDEL qui y conserva une tréfilerie (usine de clous et de pointes) en activité pendant de nombreuses années. Le site de La Rivière faisait partie des positions de repli des grands établissements de l'Est et de la Moselle après 1871. Le nom de Wendel fut avec certitude lié a celui de l’Usine de la Rivière de 1931 à 1958.

            Le site de Champagnac-la-Rivière connu encore une recrudescence d’activité entre 1940 et 1945. L’usine de la « Société EPI » propriété de « Sauvageau Commercy Soudure » perpétuera la tradition sidérurgique de l’usine de La Rivière et l’exploitera jusque vers la fin des années 90 du vingtième siècle, mais ceci est une autre histoire.

Petit Lexique :
* Une « Affinerie » était une Forge où la fonte issue des hauts-fourneaux était affinée, c’est à dire transformée en fer par réchauffage et battage au marteau ou martinet de forge.
Dans la pratique, l’affinerie était principalement constituée d’un grand creuset où l’on refondait partiellement ou ramollissait les gueuses de fonte, en les chauffant fortement, avant de les porter au martinet ou marteau de forge mécanisé et de les battre sur une grosse enclume pour en extraire les impuretés.

* Une « Clouterie » était un atelier ou une petite usine où étaient fabriqués les clous et des objets similaires. Les clouteries du Périgord-Limousin produisaient principalement des clous forgés, à têtes martelées, fabriqués sur une enclume.

* Une « Martellerie » était un atelier où l'on travaillait le métal au marteau de forge actionné par la force hydraulique. Ce marteau de grandes dimensions était généralement appelé « Martinet ».

* Le « Martinet », ou Marteau de forge à bascule, était un gros marteaux, longtemps mu par l'énergie hydraulique d'un moulin à eau, et utilisé, du Moyen Âge jusqu'au début du 20e siècle, pour des productions industrielles diverses comme la fabrication du papier, du tan, du foulon, du chanvre, le battage du cuivre, le battage de la fonte ou le forgeage du fer.

* La « Forge haute d’Étouars », qui fournissait en fonte les forges du Buisson, de Peyrassoulat et de Raux, était située sur le Ruisseau des Forges, un affluent de la Doue, elle même affluent du Bandiat, à la limite des communes d’Étouars et du Bourdeix, en Dordogne.

* La « Forge de Jommelières », fournissait en fonte les forges du Buisson, de Peyrassoulat et de Raux. Elle était située sur la rive droite du Bandiat, dans la paroisse et la commune de Javerlhac, en Dordogne. Au 17e et 18e siècles la Forge de Jommelière était la propriété de la famille HASTELET. Elle fut louée en 1750 au Marquis de MONTALEMBERT qui y coula, à partir de 1762, des Canons pour la Marine de LOUIS XV. En 1758, la Forge de Jommelière fut affermée à M. François LAPOUGE. En 1772, la production annuelle de la Forge de Jommelière était de 6000 à 7000 quintaux de fonte et de 800 à 900 quintaux d'acier. En 1780 la totalité de la propriété fut vendue à M. Jacques VALLADE. Un inventaire de 1789, indique que plus d’une centaine d’ouvrier etaient employés à la Forge de Jommelières. En 1828, M. RIBEYROL était Maître de Forge. En 1859, un projet (non abouti) de Machine à Vapeur pour compenser le manque d’eau du Bandiat fut mis à l’étude. L’arrêt de l’activité eu lieu peu après 1860.

* Le « Millier » est une ancienne unité de mesure, il avait une valeur de 10 quintaux ou 1 000 kg.

* Le « Quintal métrique » est une ancienne unité de masse qui équivaut à 100 kilogrammes.

* Le « Pied » est une ancienne unité de longueur correspondant approximativement à la longueur d'un pied humain. Entre 1668 et 1799 la dimension du pied de roi utilisé en France correspondait à environ 324,839mm. Le pied de roi, lors de son abolition définitive en France, fut déterminé par la loi du 19 Frimaire An VIII de la République Française (10 décembre 1799). Cette dernière stipulait que le mètre est égal à « une longueur de 3 pieds 11,296 lignes de la Toise de l'Académie ».

* Le « Stère » est une ancienne unité de mesure égale au mètre cube et destinée particulièrement à mesurer le bois de feu. La loi du 13 brumaire An IX (4 novembre 1800) avait confirmé le stère dans sa définition et sa valeur égale à 1 m3 de bois.

* La « Corde » était une unité de volume de bois de chauffage, coupés et empilés. Cette mesure de volume de bois très ancienne (antérieur à la révolution française), était autrefois couramment utilisée dans les régions de France et de Belgique, ainsi qu’en Alsace. Elle était sujette à des variantes relativement importantes et avait une valeur de 2 à 5 stères de bois en fonction des lieux.

            Il y aurait encore beaucoup à dire sur sur le patrimoine historique, naturel, culturel et humain, de la Commune de Chéronnac, mais ceci sera le sujet des prochaines publications qui vous entraînerons à la découverte de sites exceptionnels, tel la Butte de Montoume, aux origines météoritiques, les Sources de la Charente, ou les souterrains de l'église du Bourg de Chéronnac… 
(à suivre donc !)...


Cette publication sur « Les Forges anciennes en Périgord-Limousin-Angoumois * » a été initiée par l'association  « Les Amis de Saint-Eutrope et des Sources de la Charente ».
Auteur : J-L.E. Marcillaud ©
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