29 octobre 2012

Mémoire locale des deux conflits mondiaux du XXème siècle

Le Monument aux Morts de la commune des Salles-Lavauguyon (Haute-Vienne, France)


A la veille des commémorations de l' Armistice du 11 Novembre 1918 il est apparu de quelque importance de rappeler aux lectrices et lecteurs de ce blog que le Monument aux Morts de la commune des Salles-Lavauguyon, semblable à celui de millier d'autres communes de France, représentait le souvenir emblématique des évènements liés à la Première Guerre Mondiale, communément appelée la Grande Guerre.

Monument aux Morts 1914-1918 et 1939-1945
 de la commune des Salles-Lavauguyon
 La construction de ce monument commémoratif destiné à honorer la mémoire des disparus du conflit 1914-1918 est aussi l'expression du deuil collectif, associé aux nombreuses pertes en vies humaines, qu'avait entrainé cette guerre.

Une subvention attribuée aux communes voulant honorer leurs disparus a largement influencé les décisions prises par les conseils municipaux de l'époque d'édifier ces monuments commémoratifs.



Situé face sur le côté nord de l'église paroissiale, à mis distance entre cet édifice d’origine romane et ce qui étaient alors les premières maisons du bourg des Salles-Lavauguyon, le monument fut réalisé au début des années vingt du XXème siècle sur l'emplacement de l'ancien cimetière paroissial qui, devenu trop petit, avait été transféré en 1873 au sud du bourg des Salles, près de la route menant au village de Lavauguyon, et avait été remplacé par une sorte de foirail où était rangées les charrettes les jours de foire mensuelle.

Le coq gaulois
Le Monument aux morts de la Grande Guerre, édifié aux Salles-Lavauguyon, présente la forme d'un obélisque en granit surmontant un socle parallélépipédique d'agencement similaire. Il est couronné par une sculpture en bronze représentant un coq dressé, fabriquée en série dans les Etablissements Ed. Rombaux-Roland, de Jeumont, dans le département du Nord.
Sur le devant de la partie haute du monument a été inscrit dans le bronze « A nos MORTS 1914-1918 », cet épitaphe est surmontée par une Croix de Guerre en bronze.


Croix de Guerre,
figurant sur le pourtour de la grille en fer-forgé
entourant la base du monument aux morts

L'emblème de la Croix de Guerre est reproduit sur le pourtour de la grille en fer-forgé entourant la base du monument. Paradoxalement, la pointe de l'une des épées, chevillée sur la partie avant droite de la grille, a disparue, l'usure du temps qui passe inexorablement semblerait avoir ici émousser la mémoire guerrière.




Liste des soldats morts
pendant la Guerre 1914-1918
Sur une plaque en ardoise grise fixée sur le devant du monument (aujourd’hui délavée par les ans, mais dont les inscriptions présentent encore des traces de dorure), ont été gravés les noms des soldats originaires de la commune des Salles-Lavauguyon morts pour la France au cours de la Première Guerre Mondiale.

L' inscription commémorative a été ultérieurement complétée par une plaque de dimensions plus réduites apposée en dessous de la première, sur laquelle figurent les noms des soldats décédés lors de la Seconde Guerre Mondiale.

Les listes des Morts pour la France ne respectent pas l'ordre alphabétique, mais semble vouloir remémorer l'ordre des décès.

Afin d'en faciliter la lecture, nous avons reproduit la liste des noms figurant sur les tableaux.

Tombe du Sous-Lieutenant Besse,
dans le cimetière des Salles-Lavauguyon
à Nos Morts 1914 - 1918 :
ANDRIEUX François
BOURDAREAU Pierre
LAPEYRIE Firmin
ARLIX Jean
DENIS Jean
PREVOST DE LAVAUD Etienne
DARNAT Jean
ROUSSEAU Jean
MONTAUT Louis
GRANET François
SOURY Pierre
TIPHONNET Louis
LALOI Joseph - Capl.
BOUTINAUD Marcellin - Capl.
RASSAT Jean
HERAUD Jean
COUVIDAT Jean
VILLARD Jean
VILLARD François
SOURY François
PROGEAS Jean
BARUSSAUD Jean
MEILLAT Léon
COURAUD Paul
LECLERC Louis
RAMBAUD Joseph
RATHIER Jean
PRECIGOUT François
DENIS Jean
BESSE Etienne - Capl.
BESSE Jean - S.-Lt.
DARNAT Justin - Capl.
SOIRAT Joseph - M.-des L.
LECLERC François - Capl.
TIPHONNET Pierre
RASSAT Joseph
RATHIER Pierre
ARDAINE Jacques
AURIAT Pierre
SOURY Pierre

Les mentions Capl. correspondent à l'abréviation du grade de Caporal, celle de S.-Lt. à celle du grade de Sous-Lieutenant, celle gravée M.-des L. est l'abréviation du titre de Maréchal-des-Logis qui équivalait au grade de Sergent.

à Nos Morts 1939 - 1945 :
BERTHET Henri
GEORGES Louis
LEVEQUE Cheri Louis
RASSAT Jean

II. Les conséquences humaines, sociales et démographiques, des deux grands conflits mondiaux du XXème siècle, pour la commune des Salles-Lavauguyon

Avant le déclenchement du conflit 1914-1918, le dénombrement de la population de la commune des Salles-Lavauguyon, effectué en 1911, avait permis de recenser un total de 680 habitants.

L'église des Salles-Lavauguyon et l'emplacement de l'ancien cimetière vers 1910
Les évènements liés à la Première Guerre mondiale, qui durera officiellement pour la France du 1er août 1914, jour où fut publié l’ Ordre de Mobilisation Générale, au 11 novembre 1918, jour où fut signée l' Armistice franco-allemande, mais se prolongea sur certains théâtres d’opérations militaires jusqu’au milieu de l’année 1919, devaient apporter un brusque changement dans la vie des habitants de l'ensemble des départements français, de même que pour ceux des colonies françaises de par le monde, les habitants de la commune des Salles-Lavauguyon n'échappèrent pas à cette réalité.

Les effets de la Grande Guerre 1914-1918 furent ressentis, outre l'impact économique et social consécutif à la mobilisation des hommes valides, dans la commune des Salles-Lavauguyon de part les mouvements de population qu'elle entraina et l'arrivée de certains réfugiés dans la région.

Selon les Cahiers de l'instituteur de Roussine (Charente) rédigés pendant la période 1914-1917, le service médical pour cette commune charentaise proche de la limite entre les départements de la Charente et de la Haute-Vienne, était assuré par le docteur Lautraite de Montembœuf. Ce dernier fut secondé par un médecin d'origine russe, M. Mérovich, qui était venu s'installer dans la commune des Salles-Lavauguyon pendant la durée du conflit. L'assistance de ce médecin russe permit de maintenir le service de santé dans des conditions identiques à celles d'avant la guerre et ce malgré la mobilisation du second médecin du chef-lieu de canton charentais.

Monument aux Morts 1914-1918 et 1939-1945
 face au clocher de l'église de la commune des Salles-Lavauguyon

Les décès par suites de guerre (soldats morts au combat, décédés des suites de leurs blessures, de maladie ou accidentellement) de la commune des Salles-Lavauguyon pour la période 1914-1918 (Grande Guerre) sont aux nombre de 40.

Ce chiffre des combattants décédés (soldats de tous grades confondus) pendant le premier conflit mondial, comparé aux nombre d'habitants recensés dans la commune des Salles-Lavauguyon en 1911, permet de constater l' impact direct de plus de quatre années de guerres dans une région éloignée de la zone des combats, puisque c'est près de 6% de la population qui fut décimée pendant cette période.

Une comparaison entre les chiffres des recensements de la population de la commune des Salles-Lavauguyon pour les années 1911 et 1921 parait éloquente sur l'impact des évènements du début du XXème siècle sur la démographie.

Les conséquences de la Grande Guerre conjuguées à celles de la pandémie de grippe durant l'hiver 1918-1919, furent directement perceptibles lors du recensement de 1921, puisque seulement 580 personnes étaient recensés alors qu'ils y avait encore 680 habitants enregistrés lors du recensement de 1911, soit un déficit de 100 individus en une dizaine d'années, une diminution de plus de 14% de la population (le recensement de 1916 ne fut pas réalisé pour causes de guerre).

Croix de Guerre 1914-1918
Le nombre des décès par année de guerre et par période de combats varie de manière notable tout au long de la Grande Guerre, les premiers mois du conflit furent par comparaison avec la longueur des hostilités les plus meurtriers pour les armées françaises ; le système de l'offensive coute que coute au mépris des vies humaines coutât de très nombreuses vies d’officiers et de soldat à l'infanterie française.

Les décomptes des décès des soldats originaires des Salles-Lavauguyon ne diffèrent pas considérablement des constatations générales en France, puisque 5 pertes étaient à déplorer parmi les hommes originaire de cette commune pour le seul mois d’août 1914, 3 pour le mois de septembre et une au mois d’octobre, ce qui formait un triste total de 9 décès pour les cinq mois de conflit de cette première année de guerre.

Tombe de Jean Rassat,
décédé en septembre 1915
Par comparaison, seulement 7 décès vinrent attrister l'année 1915, malgré les nombreuses pertes en vies humaines que coutât le début de la guerre de positions.

Les conséquences de la bataille menée de février à décembre 1916 devant Verdun et qui couta la vie à près de 300 000 combattants des deux armées belligérantes (163 000 soldats français et 143 000 allemands) ne fut que relativement perceptible pour les hommes originaires de la commune des Salles-Lavauguyon puisque seulement 4 décès de combattants étaient enregistrés cette année là.

Les offensives de 1917, devaient entrainer 7 deuils supplémentaires.

La dernière année de guerre fut marquée par les grandes offensives allemandes du printemps et par les combats décisifs de juillet à novembre 1918. Ces différentes attaques, contre-attaques et batailles de reconquête du territoire occupé par les armées des Empires centraux devait mener les forces de la Triple Entente et leurs alliées à la victoire finale entérinée par l’ Armistice signé entre l’Allemagne et la France près de Compiègne le 11 novembre 1918. Ces ultimes efforts des combattants français et alliés devaient avoir pour conséquence de confronter à nouveau les familles et alliés à 5 décès de combattants habitants la commune des Salles-Lavauguyon lors de leur incorporation sous les drapeaux.

Les Soldats Morts pour la France, lors de la Deuxième Guerre Mondiale, originaires de la commune des Salles-Lavauguyon ne sont qu'au nombre de 4 pour la période 1939-1945, essentiellement décédés pendant la campagne de 1940 où en captivité, par suite de la défaite française.

Plaque tombale dédiée à Louis George,
soldat décédé en captivité à Vienne (Autriche) en octobre 1940

La mention "Mort pour la France" a été attribuée pour la première fois pendant la Guerre 1914-1918, suite à l'application de la loi du 2 juillet 1915 modifiée par la loi du 28 février 1922. Cette citation est aujourd’hui régie par l’Article L488, modifié par l’Ordonnance n°2009-1752 du 25 décembre 2009 - art. 1, du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.

Plaque tombale dédiée à Pierre Saury,
portant la mention "Mort pour la France"

La loi de 1915 précisait à l’origine les modalités de l'attribution du Diplôme d'honneur aux morts de la grande guerre, cette disposition est aujourd’hui encore incluse dans l’Article L492 bis du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Un diplôme d'honneur portant en titre « Aux morts de la grande guerre, la patrie reconnaissante » est décerné à tous les officiers, sous-officiers et soldats des armées de terre et de mer décédés pendant la guerre 1914-1918 pour le service et la défense du pays, et remis à leurs familles ".

Les dispositions de l’Article L492bis du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre furent étendues pour les personnes décédées pendant la Guerre 1939-1945 :
- Aux militaires des armées de terre, de mer et de l'air ;
- Aux FFL ou FFC ou FFI et aux membres de la Résistance, dont l'acte de décès porte la mention " Mort pour la France ".

Le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre est chargé depuis l'origine de sa création de l'attribution de ce diplôme.

L'impact de la Seconde Guerre Mondiale sur la population des Salles-Lavauguyon fut bien différent en comparaison de celle du 1er grand conflit du XXème siècle, puisque les soldats originaires des Salles-Lavauguyon morts pour la France pendant la période 1939-1945 ne représentent que 0,90 % de la population totale de l'époque pour cette commune. Mais les drames occasionnés par la perte d’un fils, mari, parent ou ami ne furent pas moindre que ceux occasionnés par les décès lors du précédent conflit.

En 1946, le nombre de veuves recensées était de 31 pour un total de 401 personnes formant la population totale de la commune des Salles-Lavauguyon (tous âges confondus). L'importance du nombre de femmes seules paraît indiscutablement imputable aux conséquences des deux guerres mondiales qui se déroulèrent dans le même demi-siècle.

III. Les Sépultures militaires du cimetière des Salles-Lavauguyon

Après la Grande Guerre 1914-1918, la volonté de certaines familles de se voir restituer les corps de leurs parents, soldats morts lors des combats, entraina tout d’abord des rapatriements irréguliers de dépouilles de soldats français vers des sépultures familiales.
Tombe de la Famille Renon-Saury
dans le cimetierre de la commune
des Salles-Lavauguyon

Afin de permettre l'application des clauses de l’ Article 225 du Traité de Versailles stipulant que : « Les gouvernements signataires se donnent toutes facilités pour satisfaire aux demandes de rapatriement des restes de leurs soldats et de leurs marins » , les autorités françaises décidèrent en 1920 d'autoriser les transferts de corps des combattants de la Grande Guerre des cimetières militaire vers les cimetières civils.

L’Article 106 de la loi de finances du 31 juillet 1920 devait finalement préciser : « Sur demande des veuves, ascendants ou descendants, les transferts de corps sont désormais à la charge de l'État » .


En avril 1921 le Ministre des Pensions, André Maginot, par souci d'efficacité, créât le Service de restitution des corps. Le Secrétariat d'État chargé des Anciens Combattants et Victimes de guerre estima postérieurement qu'un total de 240 000 corps avaient été restitués aux familles, soit 30 % des sépultures de combattants identifiés pour la Guerre 1914-1918.

Plusieurs tombes du cimetière communal des Salles-Lavauguyon ont accueillit les sépultures de soldats décédés au cours de la Première Guerre Mondiale ainsi que quelques unes des soldats de l'armée française décédés pendant la Seconde Guerre Mondiale.

L’inventorisation de ces tombes à caractère militaire et familial du cimetière communal des Salles-Lavauguyon ne fut pas aisée car leur entretient n’est pas assuré de manière égale.

En arpentant de manière quasi systématique les allées de ce cimetière il a été toutefois possible d'inventorier 11 tombes de soldats morts pendant la Grande Guerre (1914-1918).

Voici ici répertoriées les inscriptions relevées sur les tombes des soldats de la Première Guerre Mondiale :
  • St-Lieutenant Besse, Mort pour la France, né aux Salles-Lavauguyon, le 13 juillet 1892, Tombé le 28 janvier 1918, à Limay (Meurthe-et-Moselle) ;
  • Jean Denis, Sapeur conducteur, Cie 8/3 4e Génie, Mort pour la France le 19 septembre 1917, à l’âge de 36 ans. Cette épitaphe est inscrite sur une plaque en forme de cœur sur laquelle sont figurés deux drapeaux entrecroisés surmontant le texte ;Justin François Leclerc, Mort au Champ d’Honneur, à Saint-Mart «Somme » le 26 août 1918, âgé de 24 ans, Capitaine, deux Citations à l’ordre de l’armée et Médaille Militaire ;
  • Justin François Leclerc, Mort au Champ d’Honneur, à Saint-Mart «Somme » le 26 août 1918, âgé de 24 ans, Caporal, deux Citations à l’ordre de l’armée et Médaille Militaire
    Tombe de Justin François Leclerc,
    mort dans la Somme en 1918
  • Louis Leclerc, Mort au Champ d’Honneur, le 14 mai 1917, à l’âge de 29 ans, une Citation à l’ordre de l’armée et Médaille Militaire (Cette seconde tombe de la famille Leclerc est voisine de la précédente, elle se trouve le long du mur de clôture Est du cimetière) ;
  • Tombe de Louis Leclerc,
    morts dans l'Aisne en 1917

De même, avec un peu plus de facilité puisque plus récentes, il nous a été possible de répertorier 2 tombes de soldats de la Seconde Guerre Mondiale, morts en captivité ou en combattant :
  • Louis Georges, époux d’Angèle Granvaud, décédé en captivité le 8 octobre 1940, à Vienne (Autriche), Mort pour la France ; 
  • Léon Chéri Lévêque, Mort pour la France, à Rambervillers (Vosges), le 21 juin 1940, à l’âge de 39 ans.

Remarques finales :

Si la description du Monument aux Morts des Salles-Lavauguyon et l'énumération des décès de soldats originaires de cette commune permet d'honorer les soldats tombés au champs d'honneur ou au service de leur patrie, elle doit malheureusement omettre, faute de renseignements attestant les états de service, le nom de ceux qui (plus nombreux encore) ont fait courageusement leur devoir de soldats pendant les longues années de la Guerre 1914-1918 et puis s'en sont retournés vivre leur vie, presque comme avant, sans que l'on ne face plus référence à la reconnaissance que leur devait la nation française pour leur bravoure et leur abnégation.

Certaines familles n'ayant pu entretenir de manière continue les sépultures familiales des combattants de la Grande Guerre du cimetière des Salles-Lavauguyon, plusieurs d'entre elles offrent actuellement, en ce début de 21ème siècle, un aspect malheureusement un peu délaissé, excepté les désherbages et entretiens effectués par la commune à leurs abords.

Le caractère militaire et historique de certaines tombes du cimetière des Salles-Lavauguyon mériterait leur protection et leur mise en valeur, comme c'est le cas des sépultures entretenues par les soins de l' Association du Souvenir Français dans d’autres cimetières civils et militaires.

Gageons qu'avec la commémoration du début de la Guerre 1914-1918 , ce souhait puisse enfin être exhaussé !